Hommage à Bernard Stiegler
Philosophe de la technique, professeur à l’Université de technologie de Compiègne, Bernard Stiegler a contribué par ses ouvrages à nourrir les fondements théoriques de Perfect Memory. Il est décédé le 5 août dernier, à 68 ans. La Perfect adresse toutes ses condoléances à sa famille. Hommage.
Biographie
Philosophe, directeur de l’Institut de recherche et d’innovation (IRI) et président de l’association Ars Industrialis, Association internationale pour une politique industrielle des technologies de l’esprit. Bernard Stiegler est l’un des penseurs français majeurs de la technique. Né en 1952, son parcours intellectuel emprunte au PCF, au jazz et à la prison, où il fera un séjour après un braquage. Proche de Jacques Derrida, il développe une pensée de la technique comme remède et comme poison. Il appelle à s’approprier la technologie afin de pouvoir la transformer.
Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont La Technique et le Temps (1994-2001), Aimer, s’aimer, nous aimer : du 11 septembre au 21 avril (2003) ou Mécréance et Discrédit (2004-2006). Il est mort le 6 août 2020 à Épineuil-le-Fleuriel.
Source : France Culture
Le témoignage de Steny Solitude
Bernard Stiegler a fondé à l’Université de Technologie de Compiègne la filière « Ingénierie des Industries Culturelles ».
J’ai eu la chance et le plaisir d’être de la première promotion de cette filière originale qui mêlait à parts égales humanités et sciences. J’ai eu également l’honneur de rejoindre la petite équipe qu’il avait montée pour réfléchir aux enjeux de l’acculturation du grand nombre aux World Wide Web et à l’écriture audiovisuelle : le projet « Territoires Numériques ». Il argumentait : “L’image animée a une spécificité que n’a pas le texte, tout un chacun peut lire une vidéo sans connaitre la grammaire de son écriture. Cela laisse le champ libre à toutes les manipulations et tous les excès. Il faut changer cela”. De nombreuses frontières ont été repoussées à cette occasion : la première vidéo navigable et interactive dans un navigateur (4 ans avant Flash, Macromedia, Adobe, etc.), la première caméra sémantique, et le premier projet à exploiter les modèles de co-construction, d’économie de la contribution, via l’appropriation d’outils nouveaux et collaboratifs par le grand public.
Cela a changé le court de mon existence. Je m’étais rendu à l’UTC pour travailler sur les mécaniques systémiques de transmission du savoir et je découvrais l’épiphilogénèse, les rétentions mémorielles, les objets temporels, Husserl, Adorno, Leroi-Gourhan, Bernard Stiegler et tout un monde intellectuel…
La fondation de Perfect Memory est l’incarnation directe de très nombreux concepts portés par l’école de pensée qu’il a fondée à l’UTC et qui a été perpétuée par Bruno Bachimont. Je ne suis pas parvenu à le convaincre de travailler avec Perfect lorsqu’il était à l’IRI, mais, suite à notre dernier échange téléphonique, où je l’avais eu car je m’inquiétais de la santé d’un ami commun, nous avions convenu que nous devions nous revoir en Auvergne pour reprendre nos échanges, il y habitait jusqu’à cet été.
On croit toujours qu’on a le temps devant soi.